mercredi 1 avril 2009

Grand guignolesque nippon...

Il est temps de se pencher sur le cas barré qu'est l'"Eroguro". Courant artistique érotico-grotesque dont le plus éloigné parent serait l'écrivain Edogawa Rampo. On pourrait également rapprocher une certaine filiation aux écrits du Marquis de Sade, tant le mouvement attache une importance à l'humiliation et à la domination.

Les romans de Rampo tel que "la bête aveugle" ou "la chambre rouge" ne sont pas de vulgaires romans policiers, et si celui-ci emprunte son pseudonyme à Edgar Allan Poe s'est bien sur par respect pour l'oeuvre de ce dernier, dont il s'approprie les éléments les plus obscurs qu'il réinjecte dans ses polars teintés de bondage et d'érotisme déviant.
Seulement l'Eroguro ne se limite pas aux ouvrages de Rampo. Et très rapidement des mangakas s'inspire du mouvement afin de laisser libre court à leur imaginaire. Suehiro Maruo, restant à la fois l'exemple le plus célèbre et le plus talentueux.. Auteurs de dizaines d'ouvrages comme "la fille aux camélias", "lunatic lover's" ou encore "Yume Q-saku", Maruo dépeint un univers gothique, au bord du gouffre à l'ambiance suffocante. Mais à l'instar d'autres dessinateurs dans son sillon, Maruo est une vraie star locale. Ses lithographie s'arrachent à des prix hors du commun et des musiciens comme John Zorn font appel à ses talents pour illustrer leurs pochettes d'album.

Avec Shintaro Kago, on commence à rentrer dans le réellement explicite. Le trait est certe moins travaillé que celui de Maruo, mais reste loin de l'amateurisme. Pas de fioriture chez Kago, bien que celui-ci soit peut-être le plus cérébral de tous. Ces récits, tortueux, alambiqués mais très très trash n'ont d'ailleurs jamais trouvés le chemin des éditeurs français. C'est bien dommage car il reste en marge un très bon auteur de science-fiction, très influencé par les thématiques dysfonctionnelles des ouvrages de philip K.Dick ou William Burroughs.

Le troisième et dernier maître du genre s'appelle Waita Uziga, et fait, lui, dans le hentaï-kawai à tendance crade. Ca commence toujours pas des histoires bon enfant, dont le dessin naïf ne laisse rien présager de toxique et ça se termine toujours en carnage, viol et mutilation multiples. Uziga corrompt l'innocence de la façon la plus malsaine et la plus dérangeante qui soit.

On ne va pas se leurrer, l'"Eroguro" c'est l'art de l'infamie poussé à son extrême limite et bien sûr il n'y avait que les nippons pour inventer un art pareil. Bien que dans une certaine mesure certain textes de Guyotat ou de Bataille laisse percevoir quelque similitudes. Et qu'à ma connaissance le seul artiste occidental à jumeler avec autant de force cruauté et perversion soit l'écrivain Clive Barker.

Mais fait intéressant et ce qui est également la source de suggestion de du mouvement est que les auteurs s'attachent à dépeindre l'ultraviolence comme un trop plein de pulsions sexuelles et non l'inverse. A l'heure où les serial killers squattent nos petits écrans où leurs penchants sadiques n'ont plus de secrets pour personne, on pourrait au final rapprocher cet art comme un défouloir pulsionnel qui va à l'anti-thèse même de théorie mise au point par Jung et d'autres psychiatres de renom.

Quoi qu'il en soit, que l'on adhère ou pas, l'"Eroguro" est un courant qui ne peut être ignoré, qu'on aime ou que l'on déteste, qu'on le trouve nuisible ou sans importance, il est là est fait des émules que soit dans le cinéma ou dans le musique, ces oeuvres cruelles continueront longtemps d'agiter le pays du soleil levant.

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